Hommage d’un fils à son père – Traité sur un modèle – Par Cheikhouna Sall

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[Hommage d’un fils à son père – Traité sur un modèle]
Le jeudi 12 mai, mon cher Papa a gagné le prix de « l’applaudimètrie » en recevant son grade d’officier de l’ordre national du mérite. C’est avec un plaisir non dissimulé que je lui adresse encore une fois mes plus cordiales félicitations. J’ai toujours cru que ce titre honorifique n’était destiné qu’aux hommes d’état, hommes politiques voire militaires. Alors cette distinction, qu’il a reçue, m’a permis, à l’heure des joutes électorales, de me questionner sur des thèmes importants, à mon égard : les vrais modèles d’une société, le rapport de l’homme à la politique, car il en est un symbole idéal. Vous comprendrez pourquoi.
Celui qui n’est ni philosophe, ni homme d’état, a la chance de pouvoir ignorer à la fois la science et l’opinion. Parler au sujet de la pensée et de la parole c’est courir un risque, surtout s’il se trouve que celui qui parle n’est qu’un simple apprenti-ingénieur, selon certains oulémas, Dieu lui-même sera indulgent à son égard. Conséquence, les hommes n’ont pas d’autre choix que de fermer les yeux et les oreilles sur ses erreurs de pensée et d’expression. Donc si j’en commets, vous me les pardonnerez, je l’espère. Mais rassurez- vous, je m’arrangerai pour qu’à la fin de cet hommage dédié corroyé de témoignage, je ne sois pas convoqué à la « DIC ».
Mon papa n’est ni homme d’état, ni homme politique tout court mais j’ai toujours été persuadé que ses actes avaient un impact incommensurablement positif sur la société. Une entreprise tentant d’étaler celles-ci en une centaine de mots, est vouée à l’échec dès le départ, s’il se trouve qu’il faudrait prévoir un livre tout entier pour le faire, donc je ne m’aventurerai trop là-dessus. Mais c’est naturellement, très jeune déjà, que je lui demandais « Papa pourquoi ne rentres-tu pas, comme tes paires, dans la politique ? ». Surtout que tous ceux qui l’ont côtoyé, sont unanimes, s’il avait mené une carrière politique il aurait-eu, sans exagération aucune l’étoffe pour être président de la République.
L’ancien président des « cracks » du Sénégal, ancien ministre, feu Assane Diagne dixit qu’il ne connaissait pas un homme « plus doué et plus vertueux que lui ».
« Nul besoin de faire de la politique pour agir sur le développement de son pays, la politique est noble mais elle a malheureusement été pervertie de sa vocation par certains Hommes ! » me rétorquait-il. Cette phrase a toujours résonné dans ma tête, car je la trouvais catégorique mais aujourd’hui, j’en ai compris le sens profond. En effet, la réponse cachait une certaine crainte de perte de valeurs. Car avouons-le, ils sont nombreux ces cadres, pourtant compétents qu’ils étaient, qui sont malheureusement tombés dans le piège que peut tendre la politique.

Quand on interroge un Sénégalais sur la situation de son pays, il parle de remaniement ministériel, de querelles ou de limogeages politiques. Nos dirigeants politiques savent tous comme moi que ce n’est pas la politique politicienne qui développe un pays. En effet ce genre de politique est le métier le plus facile du monde. Il ne nécessite ni études, ni apprentissage. Alors lui demandais-je à l’époque, quelles sont les valeurs essentielles dont regorge un vrai homme d’état ? Toujours est-il que la réponse qu’il m’apportait était : c’est le travail et l’éthique. Et cela rejoignait parfaitement ce que nous ont enseigné nos vénérés Mame cheikh : Ibra FALL et Anta Mbacke à travers (le Hikma et la Xidma). Comme le hasard n’existe pas, tant bien même qu’il existerait, ferait bien les choses ; il est un fervent disciple de Borom Gawane. J’ai compris que ces deux vertus ont conduit et conduisent toujours sa vie (qu’Allah (swt) fasse qu’il nous accompagne des années encore), et je pense profondément que celles-ci doivent animer tout citoyen.
Alors je me suis quand même posé plusieurs questions, parmi elles et à savoir : Pourquoi décerner un titre d’officier de l’ordre à un « non-homme d’état » (vous comprenez qu’en réalité ce n’est qu’un simple attribut) était-il, si rare (j’exagère peut-être un peu) ? Pourquoi « Mr Papa SALL », « Pa » comme je l’appelle affectueusement mérite-t-il, cette décoration ? Ne nous trompons-nous pas de modèle dans notre société ?
J’ai donc fait appel à mes modestes cours de mathématiques appliquées pour tenter d’élucider ces interrogations, ces questions, qui pour certains peuvent sembler très simple à répondre, mais pour moi devaient passer par l’épreuve de la pensée méthodique, qu’on doit ici à René Descartes, par une modélisation, et une validation de modèle, car en réalité ces sujets sont très vastes. Alors, je n’ai pas délogé à mon habitude de modéliser les sujets complexes, oui j’ai modélisé cette situation pour comprendre au mieux pourquoi ce titre lui a été décerné, tout en abordant la question des vrais modèles de société.
Alors intéressons-nous d’abord, à la variable d’entrée : mon Papa. Mon père est un brillant ingénieur mathématicien (statisticien, économiste) (diplômé de la prestigieuse EnSAE paris-tech) doublé d’expert, triplé d’entrepreneur et j’en passe. Comme si les qualificatifs ne suffisaient pas, la variable de sortie très récente qu’elle soit, est le grade d’officier de l’ordre du mérite. Mais c’est la fonction de transfert (pour parler comme les automaticiens), ou bien le modèle (comme les statisticiens) qui est intéressante à étudier. Ce modèle traite donc de la fonction qui permet le passage, de citoyen tout court à officier de l’ordre du mérite : le travail et l’éthique ; déjà évoqués précédemment (rappelez-vous de la réponse de mon père). Il me faut juste rappeler brièvement la pensée des philosophes et essayer de camper la conception et le rôle modernes du travail et l’éthique en y cherchant ce qui peut rendre meilleure la vie d’une nation. Notions inséparables de la condition humaine, elles ont acquis une importance exceptionnelle pour toute l’humanité. Vous l’avez compris, les thèmes que j’ai envie d’aborder sont au barycentre de la vie de toute nation, particulièrement de notre pays.
Déjà en 1992, mon père créait avec ses acolytes une Association apolitique, puisque c’est de modèle et de travail qu’il s’agit, en voilà un vrai modèle de développement : REDIBE (Regroupement pour le Développement Intégré de Baba Garage et Environs), dont le but était nul autre que de propulser le développement local, avec l’idée que l’exode rural représente un danger pour l’équilibre humain du pays. C’est avec un groupe, d’intellectuels originaires de cette région – qui était la troisième région la plus pauvre du Sénégal – et qui s’était formé dans un esprit de citoyenneté, exprimant la volonté de « revenir à la base », comme le confiait Mr Papa SALL. L’association comptait 600 adhérents, enseignants, agriculteurs, femmes des villages avoisinants, et « faisait vivre le village », puisqu’elle était présente dans de nombreux domaines du développement rural :

-La santé : En menant des campagnes curatives et préventives autour de Baba Garage, le REDIBE avait pu participer à l’amélioration des conditions sanitaires par l’intermédiaire de la caisse de santé.
-L’éducation : Une seule école primaire existait depuis 1954. Mais, suite aux pressions de la collectivité et aux débats menés auprès des pouvoirs publics, par l’association, la région de Baba Garage a peu compté 16 écoles primaires. – -En 2002, un collège et un pensionnat ont été construits à l’entrée du village.
-La Mutuelle d’Epargne et de Crédit : La MEC de Baba-Garage est une structure de microfinance créée en novembre 1998.
Le REDIBE a participé à sa création. Elle intervient
L’arrondissement où elle a son siège et regroupe deux communautés rurales : Baba- Garage et Dinguiraye. Elle accorde des prêts aux individus ou aux groupements pour des investissements dans l’embouche ovine ou bovine, l’agriculture ou le petit commerce.
Le soutien aux initiatives agricoles : L’association REDIBE intervenait également dans l’élaboration de dossiers de demande de financement auprès d’ONG ou d’organismes créditeurs. Un champ communautaire pour 132 femmes du village a ainsi pu trouver les financements de l’ONG française Terre d’Afrique pour cultiver des aubergines, des patates douces, des bananes, des piments, des agrumes… Les femmes constituaient une tontine pour entretenir le champ, payer l’eau, les engrais… D’autres projets d’embouche ovine ou bovine ont également pu aboutir par l’intermédiaire du REDIBE.
Tout cela pour dire, qu’il est bien possible de placer, le travail comme vecteur essentiel de développement sans pour autant, s’immiscer dans quelconque mouvance politique politicienne.

Pour l’éthique, petit rappel de trois idées de Feu le juge Keba Mbaye, qui me semble-t-il, méritent d’être reprises, après que j’aie décrit la situation telle qu’elle m’apparaît au bout de ma lorgnette peut être déformante :
1 – « Les anciens ont de l’éthique une conception multiforme qui nourrit encore les joutes intellectuelles savoureuses des philosophes. »
2 – « De nos jours l’éthique est toujours présente avec un nouveau contenu. Malheureusement, ce contenu est davantage ignoré que respecté. »
3 – « L’éthique devrait être adoptée par notre pays comme la mesure de toute chose »
L’éthique doit accompagner le travail car elle est la condition sine qua non de la paix sociale, de l’harmonie nationale, de la solidarité et du développement. La ruée actuelle à laquelle notre pays fait face, vers un monde où l’éthique est placée au dernier rang ne peut pas persister ; sinon, aveuglée par leurs nouveaux maîtres que sont « l’argent, le pouvoir, la force et la place », les hommes vont se précipiter droit vers une vie de méconduite ; c’est à dire une vie où le dire et le faire se trouveront presque de façon permanente, en deçà ou à côté de ce que la morale prescrit. En réalité ils sont nombreux ces cadres sénégalais qui se contentent de liquider les affaires courantes, ou bien qui se servent au lieu de servir. Cette topologie, tendance peut être renversée, si nous le voulons vraiment, sincèrement. Cela passe par un retour au fondement de toute société durable, le contrat moral, l’adhésion réelle, dans les actes et pas seulement dans les mots, à des valeurs autant que possible partagées. Pour nous, j’en suis convaincu, c’est possible et ce n’est pas trop tard. Mais il faut faire vite. La politique politicienne est un réalisme illusoire. Et étant donné la variété (et parfois la légitimité !) des opinions et des comportements, une société, pour fonctionner, c’est à dire pour que le contrat social engendre un véritable consensus, ne doit pas tant reposer sur des compromis politiques que sur des fondements moraux. Comment vivre ensemble si l’on ne commence pas par s’entendre sur les quelques principes moraux qui permettent de fonder une vie en société digne de ce nom : le travail et l’éthique ?
« Valeurs partagées » : je n’entends par là rien de « politique », mais un ensemble de choix moraux qui s’imposent à tous dès lors qu’une communauté humaine se forme autour d’un contrat social, quelles que soient les opinions politiques de chacun. Plutôt que d’avoir de grands politiciens, cherchons à avoir de grands médecins, de grands ingénieurs, de grands professeurs, de grands spécialistes de l’économie et des finances et même des savants. Les pays les plus puissants du monde ne sont pas ceux où la politique est reine. C’est plutôt le contraire. D’où ma fierté pour l’équidistance que tu as toujours su observer vis à vis des hommes de pouvoir qui régentent à leur guise, un état dévoyé, dont ils rendront compte selon les enseignements Islamiques. « Persiste, dans ta voie qui consiste à servir et à répandre le bien, partout où tu peux », pour reprendre les termes d’un de tes alter-egos, par ta générosité qui sans limite mais surtout très discrète, ce qui est très rare de nos jours. Ce que tu fais, tu le faits sans bruit et sans tapage. Parlant de ta modestie elle est connue de tous et cela est d’autant plus remarquable que nous sommes dans une société où le paraître et le tape à l’œil priment sur tout. Je ne saurais citer toutes tes qualités tellement elles foisonnent ;
En définitive, plaçons le travail et l’éthique au centre de nos préoccupations, avant qu’il ne soit trop tard en nous rappelant à chaque choix, chaque action ; lorsque nous sommes tentés d’avoir un comportement non éthique, ce que serait la vie si chacun faisait comme nous. À quoi ressemblerait une société de délateurs, de profiteurs, de voleurs, de corrupteurs et de corrompus, fraudeurs ? Alors je suis convaincu que, ce serait une société vouée à l’échec et peut-être à la déchéance et à la « misère matérielle et intellectuelle ».
Alors, évitons de tels comportements. Si j’ai un dernier mot à dire, le mot de la fin que je préfère aux conclusions conventionnelles, c’est bien celui-ci : J’ai la conviction très nette que « de même que l’on est d’accord pour affirmer que la liberté et le pouvoir doivent être limités par les droits des autres, de même, l’éthique doit être constituée comme la mesure obligatoire de l’exercice de tout droit, de toute liberté et de tout pouvoir. Que les étudiants entrent à l’Université comme on entre dans les ordres ou au « Daara » et que les meilleurs soient mis dans les conditions optimales pour devenir des cadres de haut niveau ou même pourquoi pas, des savants ». Bien sûr, cela nécessite la réhabilitation de la fonction technique au détriment de la fonction politicienne ».
Promouvons des modèles comme « Mr Papa SALL » pour développer ce pays, qui nous est très cher 🇸🇳.
Je n’ai clairement pas dit oh non, pas tout le bien mais une partie du bien que je pense de toi, car les mots ne suffisent pas. Parmi tous les qualificatifs qui peuvent te décrire, il y’en un que je préfère, c’est celui de père : car tu es un peu papa formidable !

Cheikhouna SALL

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